Jean-Luc Vannier
Psychanalyste. Collectif République exemplaire
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Nous appelons le PS et l’UMP à organiser des primaires ouvertes à tous les citoyens avant l’échéance fondamentale de 2017. Ouvertes pour les candidats. Publiques pour la participation de tous les inscrits sur les listes électorales. Démocratiques afin de respecter l’esprit et la lettre de la Ve République.
Il est inconcevable que les partis politiques décident du sort de l’élection présidentielle à la place du peuple. Le refus du PS, par exemple, de débattre de la sélection d’un candidat autre que le Président sortant, et sa volonté d’imposer comme compétiteur naturel un personnage marqué par une impopularité aussi manifeste que constante, relève du déni de démocratie[1]. Une telle attitude de la rue de Solferino illustre la léthargie passéiste de cette formation, incapable de se réformer pour atteindre le stade d’une gauche moderne.
Les primaires de l’UMP doivent, elles aussi, s’ouvrir à l’ensemble des citoyens en âge de voter. Afin d’éviter, là encore, que les seuls militants vampirisent ce choix sur la base de critères plus idéologiques que ceux portés par des intérêts nationaux.
Cette procédure réduirait les risques d’un scrutin présidentiel verrouillé par la seule capacité de sanctionner le candidat sortant au profit d’un autre, « élu » par défaut : un dévoiement de la « raison d’être » de cette élection. Appeler tous les électeurs français à prendre part à ces primaires à gauche comme à droite, possèderait en outre le mérite de les réconcilier avec la sphère politique, en les mobilisant sur un processus électoral plus étendu, donc plus signifiant pour eux. Les aveuglants meetings charismatiques des derniers jours cèderaient le pas aux discussions approfondies sur les projets de sociétés, et sur ceux ou celles chargés de les mettre en œuvre.
Des primaires générales et publiques écarteraient aussi, ce n’est pas le moindre de leurs atouts, des nobliaux de provinces qui, flattés par les ombres portées de leur cour, s’illusionnent sur leur destin national. La situation de la France réclame des hommes et des femmes aux compétences reconnues et dont les ambitions individuelles, doublées parfois de clientélisme local, s’effacent devant d’impérieuses exigences de redressement.
Au-delà de telles primaires, que les candidats à l’élection présidentielle bénéficient du même budget public, du même temps de parole et des mêmes espaces dans les médias. Qu’ils annoncent un programme précis répondant à des critères suggérés, par exemple, par le Conseil constitutionnel.
Cette actuelle captation par les partis d’un des principaux moments de la vie politique française, contredit l’esprit et la lettre de la Ve République. Si les responsables des mouvements partisans et les dirigeants institutionnels ne le comprennent pas, au point de forcer l’électorat de 2017 à choisir entre narcissisme et névrose de destinée, et ce, en misant sur la mécanique perverse du second tour, il sera temps de jeter les bébés avec l’eau du bain. En clair, de changer de République.
[1] Voir sur la question de la sélection des dirigeants « Président, comment choisir le meilleur ? », le communiqué de Michel Le Net sur le site de République exemplaire, en date du 25 octobre 2013
Sur ce sujet de » primaires ouvertes », je ne comprends pas très bien cette démarche.
Pour ma part, je suis membre, adhérent et acteur d’un certain nombre de mouvements et entre autre adhérent de l’UMP.
J’ai un engagement donc tout au long de l’année, et je ne serais pas d’accord que le vote d’un citoyen non adhérent soit considéré de ma même valeur que le mien.
De plus comment pourrait-on prendre au sérieux le vote d’un électeur de gauche pour un parti de droite, et inversement.
Alain Aripa
Par ailleurs le PS a déjà pratiqué de cette manière pour les primaires 2011, puisque tous les électeurs inscrits pouvaient voter, on voit le résultat.
Cette aimable réflexion de Sirius a le mérite de vouloir renouveler l’approche de l’élection présidentielle. On peut toutefois se demander à qui s’adresse le message. Aux citoyens ? Mais ils expriment le rejet profond des partis politiques qui se prétendent destinés au gouvernement de la République. De plus cette méditation théorique est étrangère aux préoccupations politiques d’une brûlante actualité qui s’impose à l’attention des Français.
S’adresse-t-on aux partis politiques ? Mais ils sont en pleine crise d’implosion et ne pensent qu’à sortir de l’impasse mortifère dans laquelle ils sont enfoncés. Nous n’avons que faire des conseils à donner aux partis politiques qui n’ont pas l’habitude d’écouter le peuple et nous perdons du temps en nous adressant à des appareils sclérosés qui se complaisent dans le marécage dont la France tente de se sortir.
L’appel au suffrage universel pour soutenir le bipartisme, qui nous conduit au désastre et se trouve aujourd’hui à bout de souffle est totalement irréaliste.
Une telle proposition est de plus contraire à la lettre et à l’esprit de la Constitution de la Ve République qui exclut les partis politiques dans la formation du gouvernement. Le Constituant de 1958 a voulu donner au peuple le premier mot par l’élection présidentielle et le dernier mot en cas de crise par le référendum et la dissolution. Le libre choix des électeurs porte sur une personnalité, élue sur un programme, en appui sur une équipe apte à gouverner.
Le seul intérêt de cette suggestion serait de permettre au peuple des citoyens de s’engouffrer dans les primaires pour éliminer les professionnels de la politique. Quant aux « nobliaux de province » ils ne sont pas pires que les caciques parisiens ivres de pouvoir et aveuglés par leur incompétence.
Face aux défis qui menacent la vitalité de notre pays, les Français doivent être invités à mener le combat en vue d’une « République Exemplaire » !
Paul BERNARD
Je vais m’efforcer de répondre aux derniers commentaires en précisant ma pensée.
J’entends bien les objections, notamment celle qui paraît légitime si nous nous contentons de la seule perspective d’un engagement politique. Toutefois, la valeur de ce dernier n’a -t-elle pas été considérablement affaiblie par les évolutions partisanes, la prééminence des chefs sur les idées, la transformation des partis en entreprises destinées à salarier quiconque, bien au-delà des convictions et des réflexions?
Pire, sous cette forme pervertie, privé de sa noblesse intrinsèque, cet engagement ne contribue-t-il pas, dans sa version réduite du bipartisme, à la crise institutionnelle majeure que nous traversons? C’est un peu ce que j’ai voulu expliciter dans mes dernières lignes sur les deux pathologies entre lesquelles, le pauvre citoyen serait contraint de choisir: le narcissisme connu et éprouvé d’un candidat qui n’a certainement pas changé et la névrose de destinée d’un autre, marquée par les hésitations dans la prise de décision qui alimentent son rejet massif par l’opinion publique. Il convient donc de sortir de cette ornière. Il est impossible de ne pas noter le fait qu’une large majorité de Français ne souhaite ni un second mandat de François Hollande, ni un retour de Nicolas Sarkozy aux affaires. Si la Vème République ne devait, en 2017, que proposer une compétition entre ces deux candidats, le déni de démocratie serait à son comble.
Par ailleurs, l’idéal d’un « chevalier blanc » de la Vème République, pour peu que subsistent chez celui qui ose y croire, des reliquats de la pensée magique infantile, n’est même pas en vue. Et il ne sert à rien, sauf à ce que la Lune vienne côtoyer Sirius, d’en référer à l’exemplarité orbi et urbi sans rien proposer de pratique: les vérités incantatoires ne sont qu’un aveu d’impuissance.
C’est la raison pour laquelle il me semble opportun de briser cette logique d’une vie politique réduite à une fausse alternance en ouvrant les primaires à l’ensemble des électeurs. Le fait même que ces derniers puissent émettre un avis sans appartenir à une famille politique précise vise, selon moi, à faire bouger les lignes, à mobiliser plus largement les électeurs sur une période plus longue et, qui sait, à permettre à de nouvelles personnalités et de nouvelles idées d’émerger. Le rapport coût faible/ avantage décisif de ce que je propose pallie à peine, je peux en convenir, le manque d’envergure de mes propositions. C’est un commencement. Sans frais: chose précieuse par ces temps de disette économique et financière.
Mettons-nous en situation réelle, une idée ne valant que si elle peut être applicable. C’est sur de telles bases (applications pratiques) que s’opère la sélection des Prix Nobel…
Supposons que des électeurs, sans appartenance politique particulière, souhaiteraient qu’une personnalité reconnue soit retenue par le PS, lors de prochaines primaires. Par exemple Hubert Védrine. Ce parti présenterait ainsi : A ; B ; C ; H. Védrine ; Y et Z. Mêmes temps de parole, aucune discrimination entre les postulants.
Question : comment sortir de l’auto-sélection du parti, qui n’avancera que les siens propres, donc pas ceux qu’il récuse, quelles qu’en soient les raisons ?
Appartiendrait-il aux électeurs, PS ou pas, de faire entendre leurs voix, d’une manière ou d’une autre : en proposant au Parti de retenir tel candidat ? Avec quel poids ? …
Lors du vote citoyen, mêmes conditions que pour un vote légal : gratuité ; contrôle d’identité ; durée de l’opération ; etc.
Ce principe s’appliquerait de la même façon aux autres partis.
Merci de nous éclairer sur ces aspects pratiques d’un tel élargissement des candidatures, par les partis.
Suivant la réalité pratique de vos suggestions, nous pourrions nous porter comme acteurs dynamiques pour faire prévaloir une telle initiative.
Il va de soi que cette ouverture ne s’oppose pas à toutes autres formes de sélection des candidats à la Présidence. Il s’agirait de nouvelles procédures modernes, plus démocratiques. Nous aurons à en traiter.
Bonjour et merci pour votre commentaire ainsi que pour votre question.
Un parti politique, le PS puisque c’est celui que vous prenez dans votre exemple mais les discussions actuelles à l’UMP sur la « primaire » illustreront aussi ma pensée, courrait de bien grands risques si des raisons techniques ou politiques étaient alléguées afin d’empêcher qui que ce soit de se présenter à cette consultation. L’expérience des primaires socialistes, avec la surprise de certains de ses résultats au premier tour, vaut démonstration.
Hubert Védrine comme n’importe lequel des membres du PS pourrait, si jamais l’envie l’en prenait, se présenter à cette primaire. L’élément de préférence médiatique pour des candidats plus connus ? Rien n’est moins sûr en ces temps de grande perplexité populaire sur ceux qui prétendent se faire élire dans une posture uniquement bâtie en contre et à grands frais de communication.
Il me semble que l’essentiel, comme je l’ai écrit dans mes réflexions, se situe ailleurs : ma crainte provient du fait que la déliquescence du système politique français – dont la prééminence du bipartisme ne constitue qu’un des multiples avatars – soit à même de différer ou pire, de scotomiser, une sélection novatrice, voire audacieuse, de représentants politiques à proposer au suffrage universel, d’imposer ceux qui sont, a priori, rejetés par l’opinion avant même d’exercer le pouvoir et qui ne comptent, pour y parvenir, que sur des mécanismes mathématiquement pervers, bien éloignés de l’essence démocratique. D’où la proposition d’ouvrir, à droite comme à gauche, ces primaires à l’ensemble des électeurs afin d’écarter les risques que je viens à l’instant d’énumérer.