Contre les prédateurs de la langue française, que le peuple de France oppose la pérennité de ses valeurs !

Michel Le Net1 et Albert Salon2

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   L’Histoire longue nous enseigne que les peuples qui survivent sont intraitables sur leur personnalité, sur ce qui les a faits tels qu’ils sont. Deux aspects signent leur état. Le sol et l’esprit. Le premier est d’évidence. Le second relève de la conception qu’un peuple se fait de la réalité fondée sur son passé immémorial. Il nous transmet sa langue, fil d’Ariane qui nous conduit, depuis nos origines, vers le devenir que nous choisissons.  « Votre langue et votre culture, protégez-les comme la prunelle de vos yeux. Elles sont votre richesse, votre apanage souverain… Pour le bénéfice de l’humanité », déclarait Jean-Paul II à l’Unesco en 1980.

    Or, le français, âme de la personnalité nationale, subit une véritable guerre récemment intensifiée. Le 9 mai dernier, une conférence de presse inter-associative réunissait 32 associations sous le thème : « Halte à l’assassinat programmé du français ! »3 Le constat est sévère. Outre l’offense personnelle qui touche chacun d’entre nous jusqu’au tréfonds de lui-même, l’analyse révèle les composantes d’une volonté opiniâtre de détruire notre langue. Au profit d’intérêts politiques trop connus qui ne sont pas les nôtres, mais que soutiennent nombreux ceux que le philosophe Michel Serres nomme « collabos de la pub et du fric ». À l’image de la pénétration d’immigrants non contrôlés et de plus en plus revendicatifs, de l’accaparement par la finance étrangère de nos grandes entreprises et de notre patrimoine le plus prestigieux : c’est la lenteur de l’élévation de la température du bocal qui endort l’instinct de conservation de la grenouille et la fait mourir ébouillantée !

    De l’ensemble des items qui abondent dans le dossier de référence, relevons deux exemples représentatifs de ces circonstances. Laurent Lafforgue, honoré de la médaille Fields (équivalent en mathématiques du prix Nobel), avance que l’exceptionnelle qualité de l’école mathématique française procède aussi de l’exercice en français de ses travaux et de leur publication. Le monde informatisé qui progresse sans limite a pour matrice la science mathématique. Que sa maïeutique n’oublie pas ses origines ! Or – ici le propos se fait moins noble – l’ordre économique dominant, bien que déclinant, impose sa loi du plus fort. Des exemples sans nombre attestent que l’emprise de sa monnaie oblige à ses lois. Quiconque s’en éloigne doit craindre les foudres de l’intempérance. Malgré cette énorme pression, des États lucides et volontaires redressent la tête et la barre. De grandes universités chinoises abolissent l’anglais obligatoire à leurs examens d’admission. Au Pakistan itou. Alors même que, soumis ou inconscients, nous Français continuons à suivre le courant ! Drolatique ENA, où l’on enseigne à naviguer…pour s’abandonner au fil de l’eau ! Cette inconscience, pour beaucoup, tient au formatage d’une élite dirigeante par la pensée dominante d’outre-Atlantique. Pouvons-nous accorder notre confiance à ces « young leaders » qui s’enorgueillissent d’appartenir aux cercles de cette prétendue bien-pensance ? Langue unique = pensée unique, écrivait Claude Hagège…

    La France se trouve donc devant un choix crucial, urgent. Mais alors, QUI fait le choix entre la vitalité du français et son extinction, entraînant celle de la France ? Si nous ne voulons pas laisser une élite atlantiste mener à bien son entreprise d’assassinat de moins en moins subreptice, il faut interroger le peuple. Que pensent nos compatriotes de ce combat d’apparence élitiste, mais salvateur pour la pérennité de notre personnalité nationale ? Partagent-t-ils la préoccupation dont il s’agit ? Ou bien les laisse-t-elle indifférents ? La vérité n’est jamais loin des gens ordinaires, dit-on en Chine. « Le populo a des réflexes sains. Il sent où est l’intérêt du pays. Il ne se trompe pas souvent » confirme le Général de Gaulle4 Si l’on veut contrer les « forces du mal » – selon un Bush –  par un effort à sa dimension, la cause doit être partagée par le plus grand nombre de nos concitoyens. Ne soyons pas naïfs, tel est bien l’enjeu vital du moment. Tout est rapport de forces dans ce monde. Cela vaut aussi pour cette guerre-là. Il nous faut dès aujourd’hui mesurer le mécontentement populaire, afin de puiser dans sa force une riposte adéquate, à partir du propre engagement de nos Français à contribuer concrètement à la bonne santé de leur langue et de leur pays. Si les enseignements déjà recueillis, et les résultats très encourageants de la campagne « Communes de France pour la Langue française » lancée en 2012 par 32 associations pour faire voter un manifeste pour le français par de nombreux conseils municipaux, confirment qu’une volonté populaire prend au sérieux ce défi, soyons optimistes. Remémorons-nous. Il y a trois siècles – hier, à la mesure du temps – le « beau monde » européen lisait, pensait, était français. Le pouvoir régalien d’alors avait conscience de cet exceptionnel privilège de notre langue, se projetait au loin et veillait à son évolution légitime, comme au respect de ses fondamentaux. Aujourd’hui encore, notre langue est parlée par près de trois cents millions de locuteurs, dont la moitié ont moins de 30 ans. Elle est la cinquième parlée au monde. La troisième en affaires. La quatrième sur internet. La seconde au sein des organisations internationales. Quel merveilleux trésor partagé avec respect et attention sur les cinq continents ! Elle est aussi – en France plus qu’ailleurs – protégée : par la Constitution (1992 « La langue de la République est le français », introduite par les amis parlementaires de nos associations), par des lois (Toubon 1994), par des institutions, par des règlements, notamment sur la création terminologique, chapeautée par l’Académie française.

    Et nous accepterions sans broncher qu’au sein-même de sa maison-mère la France, des bafoueurs viennent la bafouer, des écervelés la décerveler ? Soyons certains que nos descendants rendront grâce à notre lucidité et à notre énergie pour la leur avoir ainsi transmise, solide et planétaire. Mais comme tout mouvement se prouve en marchant, exigeons l’application de la loi. Devenons ensemble acteurs de notre avenir.

    Et manifestons sans retenue notre engagement à cette noble entreprise !

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1 – Haut fonctionnaire honoraire. Actionnaire de République exemplaire (republique-exemplaire.eu)

2 – Ancien ambassadeur. Président d’Avenir de la langue française.

3 –  Sous l’égide d’Albert Salon – ALF – 34 bis, rue de Picpus 75012 Paris – 01 43 40 16 51) et de Georges Gastaud, président de COURRIEL.

4 – Voir ça pique ! Secouons nos neurones…, de Michel Le Net, Éditions Jean Picollec, 2017, p. 11 et l‘article « Smartphones, iPads… ; demain, on habite en Franceland ou en State of France ? », p. 53 à 60.

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